Clément Giraud, navigateur atypique sur le Vendée Globe

 

Navigateur atypique, empreint d’une solide culture maritime, Clément Giraud, skipper du monocoque Compagnie du lit / Jiliti, prendra le départ de son premier Vendée Globe le 8 novembre. S’il n’est pas un enfant du sérail de la course au large, il a dans son carquois un arc à plusieurs cordes. Retour sur les premières fois de ce coursier des temps modernes.

La première fois que tu as découvert que certains dingues faisaient le tour du monde ?

Clément : « C’était en 1993, le Trophée Jules Verne. J’avais 13 ans. Commodore Explorer, avec Bruno Peyron, passait sous la barre des 80 jours. Puis Enza New Zealand remettait ça un an plus tard. Avec mes copains, on se disait « faire le tour du monde en bateau c’est un truc de dingues ! A l’époque, on était des « chiens des quais ». Avec mes potes on quittait le collège à midi, on allait
naviguer, on revenait en cours à 14h les cheveux mouillés. On avait un laser trafiqué sur lequel on n’avait pas peur de rajouter des haubans, des bouts-dehors, des voiles de planches à l’avant et on allait naviguer comme ça.
La commune de Saint-François nous autorisait aussi à emprunter les planches à voile de l’UCPA. On passait notre vie sur l’eau. » 

La première fois que tu as imaginé partir en solo sur le Vendée Globe ?

« Je m’en souviens parfaitement. On partait sur une régate Pro-Am à Marseille. Et on était cinq copains dans la voiture. C’était le premier Vendée Globe de Sébastien Josse. J’avais un copain qui le connaissait un peu. Et mes potes, dans la voiture, disaient : « Faire le Vendée Globe ? Quelle galère de passer trois mois sur un bateau ! ». Et moi je n’osais pas leur dire que je m’y voyais bien, moi, tout seul sur un Vendée Globe, en tous cas davantage  qu’à cinq dans une voiture ! Je ne me sentais pas légitime pour dire ça.
C’était comme déplacer une montagne. »

La première fois que tu as assumé cette envie

« J’avais envie de faire du large. Je regardais du côté des Multi50. J’ai travaillé avec une coach qui m’a posé la question cash : « Si tu as un sponsor, maintenant, tu fais quoi ? ». J’ai fini par dire « le Vendée Globe ». C’est la première fois que je le disais clairement. Elle m’a dit : « alors fais-le ! »
Aujourd’hui je me sens davantage légitime. Sur un Vendée Globe il faut avoir toutes les cordes à son arc, et pas seulement celle de la course ou de la régate. J’ai fait de la voilerie, du matelotage, construit des bateaux ; j’ai fait du solitaire, navigué sur des gros bateaux. »

Après pas mal de déconvenues, n’as-tu jamais cessé d’y croire ?

« On me parle souvent de résilience… Mais mon parcours vers ce Vendée Globe est simplement à l’image de ce que font les navigateurs depuis des centaines d’années : partir en pêche, partir en guerre ou en corsairerie, partir explorer… Les navigateurs ont toujours eu du mal à trouver des armateurs, des chantiers pour construire dans les temps, des équipages et repartir après des aléas.
J’ai beaucoup lu Louis Garneray, corsaire, peintre et écrivain. Quand il décrit ses aventures, ce n’est pas si différent. Nous sommes simplement des coursiers des temps modernes ! »